Je ne suis pas le gentil flic.
Je ne suis pas le méchant flic.
J’ai soif de justice, de voir les criminels payer. Je suis au-dessus des lois. Parfois je les respecte, mais pas toujours, non. Je fais ce métier depuis trop longtemps. Je suis une pièce usée, bousillée. Je ne suis pas foncièrement bon ni foncièrement mauvais. J’ai mes manques, mes angoisses et mes doutes. Ma violence inassouvie. Je n’aime pas la vie en société, je ne compte pas y briller. Je déteste danser, avoir à surveiller mon langage, avoir à faire des rapports, avoir à réparer la chaudière et toutes ces merdes du quotidien. Je n’aime pas le fait d’être père, de devoir être responsable vis-à-vis de ça. La vie est sale et Dieu n’est pas miséricordieux. J’ai pas la foi, je ne fais que donner un sens à cette vie qui est la mienne. Je suis introverti, à la rigueur timide, à la rigueur coincé. Trop sérieux pour m’amuser. J’aime la compétition, j’aime jouer sans perdre. La défaite, les coups et les coups durs, les femmes qui hochent simplement la tête. Tout ça, je ne supporte pas. Je cause pas beaucoup, je suis un peu méfiant, un peu chiant aussi. Je vois le mal partout, même quand j’ouvre mon placard. Je suis un gosse de quarante ans, capricieux et impatient.

Les femmes, poison mortel oublié.
Je fais un pas en avant pour en faire vingt en sens inverse. L’engagement me fait peur, j’ai peur de claquer avant de prévenir, de ne jamais guérir, d’avoir à me raser la tête, de me prendre une balle perdue, de finir pendu. J’ai peur de la mort, j’ai peur de la vie, j’ai peur de l’amour. Je suis peut-être un mauvais flic. Et pourtant, les femmes je les aime. Je n’aime pas avoir à faire le premier pas mais je les aime. J’aime me lever le matin et préparer deux assiettes. J’ai jamais été le bon copain, je suis le type frustré qui reste en retrait. Le deuxième, celui qu’on ne remarque pas la première fois. J’aime les femmes mais je reste moi. J’ai pas le temps pour elles, presque pas pour moi. Une nuit peut me suffire, quelques minutes même. Je ne suis pas un coureur, pas vraiment, je sais dire non. Je sais raccompagner une femme sans m’inviter chez elle. J’ai des principes, ouais, quand je ne bois pas, je suppose que ça va.

Les habitudes je les brise, je les écorche à vif.
Néanmoins, et je dois l’avouer, certaines habitudes persistent. Je suppose que c’est une conséquence de la vie : du jour et de la nuit. Moi ? Je me fume au moins quatre clopes quand je me lève, avant d’aller au boulot, c’est la règle. Je ne mange pas, je me recharge en nicotine. Je suis un oiseau de nuit, un homme de l’ombre, on ne me voit pas. Je ne fais pas à manger, rarement, j’ai pas le temps. Je suis constamment au restaurant. Je mange seul mais peu importe, j’ai pris l’habitude d’écouter les conversations des autres tables. Parfois je mens, je m’invente une vie au bureau, je m’invente une femme. Je peux être restaurateur, chirurgien, physicien. Je peux avoir trente-cinq ans et non quarante, je peux avoir une petite maison à Nice ou un petit voilier pour partir loin. Je commence à y croire. Il m’arrive de boire aussi, pour dormir, pour oublier mes échecs passés. Personnels et professionnels. Je suis pas alcoolique, peut-être que j’en suis pas loin, aucune idée. Je suis un bon menteur, j’ai le sang froid. Je suis moi, mon mensonge et ma couverture. Je commence à paniquer, j’ai peur de me perdre, peur de ne jamais retrouver mon chemin. Je vois un psy mais je suis trop fier pour lui parler, je me contente de le regarder, de cracher sur mon frère, de cracher sur le mort.  

J’aime la cuisine indienne, je dois probablement être le seul à aimer ça. C’est un peu comme le Mars frit. J’ai des goûts assez particuliers. En dehors de ça, je ne conduis pas. J’aime pas ça. Et puis le trafic sur Londres, merci mais non merci. Je préfère encore prendre un taxi ou même le bus. Je m’écoute du Oasis, du Blur, de Depeche Mode ou encore du The Cure. Je suis de l’ancienne école, j’écoute pas vraiment les trucs d’aujourd’hui, je trouve ça chiant. J’ai que des vinyles chez moi t’façon. Je vais probablement devenir un vieux con dans pas longtemps. Je suis aussi un fan absolu de Sergio Leone mais percer ma carapace n’est pas chose aisée. C'est à peine si je parle cinéma au bureau. Ils préfèrent tous aller voir le dernier Marvel, bon.