Papa et maman se disputent encore, je les entends crier en bas. Ils pensent que je dorme mais je n'arrive jamais à dormir quand ils se disputent. Quand je leur ai demandé pourquoi ils se disputaient aussi souvent, ils m'ont dis de ne pas m'inquiéter, que c'était normal, que c'était un truc d'adultes. J'aime pas les trucs d'adultes. Les voix se calment un peu et je peux enfin me détendre. Le calme de retour je finis par m'endormir sans avoir à compter les moutons. Le lendemain matin maman vient me réveiller mais elle repart déjà de ma chambre, ce n'est pas comme d'habitude. Je descends les escaliers et trois grosses valisent attendent près de l'entrée. Il n'y a pas un bruit dans la maison, maman me prépare mon petit déjeuner, j'entends les pancakes frémirent. Maman me sert une assiette mais elle ne croise pas mon regard. Elle est fatiguée et de grands cernes habillent ses yeux. Papa arrive dans la cuisine et la tension est palpable, lui aussi il est fatigué et ses yeux sont rouges comme les miens quand j'ai pleuré. Il m'observe longuement avant de reporter son attention sur maman sans dire un mot. Il s'assoit à coté de moi et me sourit, d'un sourire triste que je ne lui connais pas. « Ma puce, papa et maman doivent te parler. » Je relève la tête, intriguée. Vais-je enfin avoir une petite sœur ou un petit frère ? Maman arrive et s'assoit à l'opposé de papa. « Papa va partir, il n'habitera plus à la maison. » Je fronce les sourcils, je ne comprends pas. « Pourquoi, tu vas habiter ou alors ? » Il cherche ses mots mais maman vient à sa rescousse. « Papa et maman se séparent ma puce, c'est mieux ainsi pour tout le monde. » Je croise les bras sur ma poitrine, je ne veux pas que papa parte. « Moi je ne veux pas que papa parte, le divorce c'est nul ! » Ma copine Alicia a aussi des parents divorcés et elle ne les voit plus qu'une semaine sur deux, allant chez l'un puis chez l'autre et moi je ne veux pas ça. « Quand les parents ne s'aiment plus, ils se séparent ma puce, ça n'a rien à avoir avec toi ce sont des problèmes d'adultes mais tu pourras toujours voir papa, n'importe quand. »
Je sais que maman veut me rassurer mais moi je voudrai qu'on reste une famille, pour toujours.
(...)
Ca fait déjà quatre que papa et maman sont séparés, j'ai toujours cru qu'ils finiraient par retourner ensemble. Un espoir fou, puisque maman s'est remariée avec un homme il y a un an. John est gentil avec moi et gentil avec maman. Il a une grande maison et beaucoup d'argent mais il travaille tout le temps. Je sais que papa est toujours amoureux de maman, je le vois dans ses yeux lorsqu'il la voit et elle, elle fait semblant de ne pas le remarquer. Je passe toutes les vacances chez papa puisqu'après le divorce je suis allée vivre avec maman. Dans cette nouvelle famille j'ai hérité dans demi frère de quinze ans mais il me fait peur, Jonathan me regarde toujours d'un œil mauvais quand il n'y a personne d'autre. Mais je fais semblant de l'apprécier pour ne pas faire de peine à maman qui fait tout pour que je me sente bien avec ce nouveau mode de vie.
Quelques mois plus tard
Je tremble, j'ai mal au ventre rien qu'à l'idée de devoir aller au lit. Parce que je sais que dès que les lumières se seront éteintes, il va revenir, comme quasiment tous les soirs. Le monstre. J'ai envie de vomir, de fuir et de ne jamais revenir. Mais je ne peux pas parler, je ne peux pas crier, il est fou et il a menacé de faire du mal à maman et encore plus de mal à moi si jamais je parlais. Je suis quasiment sûre que la femme de ménage se doute de quelque chose mais elle non plus, elle ne dit rien car elle aussi, elle a peur de lui. La porte s'ouvre je fais semblant de dormir, continuant à croire naïvement qu'il pourrait faire demi tour et me laisser tranquille ce soir. Le matelas s'affaisse lorsqu'il s'assoit sur mon lit et chaque muscle de mon corps se contractent. Mon cœur bat la chamade, je peux l'entendre résonner dans ma tête. « Je sais que tu attends ma venue avec impatience tous les soirs Ana et je suis venu t'apporter ce que tu veux. » Je resserre la couette contre moi alors qu'il défait les boutons de son jean. Ses mains parcourent mon corps tandis que ce dernier ne bouge pas, je suis pétrifiée parce que je sais déjà ce qu'il va suivre. Je tente de résister lorsqu'il m'arrache mon bas de pyjama, ça le fait rire, je serre les dents, je ne veux pas croiser son regard. Le souffle me manque lorsqu'il écrase son corps contre le mien, je ne bouge pas je sais que ça l'excite encore plus lorsque je me tortille sous lui. « Ne fais pas l'enfant, je sais que tu aimes ça, petite salope. » Je serre les cuisses mais il est plus fort que moi et il finit par réussir à enfoncer son truc tout dur juste là. Ca m'arrache un gémissement de douleur qu'il n'entend même pas. J'attends patiemment qu'il termine ses vas et viens plus douloureux les uns que les autres, le souffle coupé. Tel est mon cauchemar depuis pratiquement un an. Un an à vivre dans la peur. Le lendemain, en revenant de l'école j'ai mal au ventre, anormalement mal au ventre et plus bas, juste là. Mais comme toujours je me tais je ne peux rien dire. Je saigne, maman à l'air émue, elle dit que je suis entrain de grandir et de devenir une mini femme, que c'est normal que ce sont mes règles. Seulement ça saigne beaucoup, trop apparemment car maman devient inquiète et m'emmène à l’hôpital. Je ne le savais pas encore, mais ma visite à l’hôpital signait la fin du cauchemar.
Suite à l'examen gynécologique, j'ai fini par tout dire à la dame médecin elle m'a promis qu'on ne me ferait plus de mal. Maman pleure beaucoup et me serre dans ses bras en s'excusant. Je ne comprends pas vraiment tout ce qu'il se passe autour de moi mais je me sens légère, soulagée, libérée. Maman a quitté John après le jugement et Jonathan a été envoyé dans un centre spécialisé. J'ai reçu un dédommagement de plusieurs millions de dollars mais moi la seule chose que je veux c'est qu'on ne me parle plus de tout ça, plus jamais.
Je ne suis pas restée très longtemps en ville après l'affaire avec Jonathan. Tout le monde avait ce regard de pitié et tout le monde ne parlait que de ça. Je ne le supportais plus et maman le vivait mal aussi. J'ai fait promettre à maman de ne rien dire à papa, il n'avait pas besoin de savoir ça, ce qui était fait était fait. J'ai fini par partir pour Londres, en laissant derrière nous tous les démons du passé, pour aller vivre chez mon père. Depuis maman est devenue hyper protectrice, désireuse de toujours savoir ou j'étais avec qui j'étais et ce que je faisais. Tellement qu'avec l'âge ça commençait à devenir étouffant. Aujourd'hui j'ai vingt deux ans et ça fait plus de dix ans que tout cela s'est passé et on peut dire que je m'en suis pas trop mal sortie. Certes je n'ai plus jamais été la même, il y a eu des périodes difficiles mais aujourd'hui je suis une jeune femme presque comme toutes les autres. Mes études se passent bien, maman s'est retrouvé un nouveau mari que j'apprécie beaucoup. Il est le seul ici dans notre nouvelle vie à savoir ce que j'ai vécu. Il a même réussi à faire disparaître le dossier médical et judiciaire, effaçant à jamais cette histoire. Plus personne ne pourra ainsi, tomber sur cette information. J'ai quelques petits amis de temps en temps, pour rassurer ma mère et passer inaperçue auprès des autres mais ça ne dure jamais très longtemps et je coupe court lorsque la situation devient trop intime. Je crois que plus jamais, je ne pourrai supporter qu'un homme me touche. C'est bête mais je n'ai plus confiance en eux. Seul mon père a toujours ma confiance, mais c'est mon père et je sais qu'il aurait tué Jonathan s'il avait appris ce qu'il s'était passé. Papa travaille dans la police et ça n'aurait pas été dans son intérêt de péter un câble.